LA CIVILISATION EGYPTIENNE SOURCE DE LA CULTURE SEEREER

Aux sources de la culture seereer, il faut déjà relever une première source d’influence, celle des cultures négro- berbères sahariennes et en particulier celle des Fulbe. Avant d’étudier plus en détail ses manifestations dans la période du Tékrur, on doit évoquer les influences culturelles plus éloignées, égyptiennes et dravidiennes.
Il faut d’abord parler de la thèse stimulante de Cheikh Anta Diop, rejoint par de nombreux chercheurs sénégalais. Selon lui, les origines ethniques et culturelles sereer doivent être cherchées au-delà du Sahara. Un séjour, même prolongé, au Sahara ou dans la savane soudanienne, n’aurait été qu’une étape dans la grande migration sereer d’est en ouest, depuis le Nil jusqu’au Sénégal. Ses travaux linguistiques sur la parenté génétique entre l’égyptien démotique et les langues wolof et sereer, ainsi que ses observations sur les Pharaons noirs, et sur la vie religieuse égyptienne, lui ont permis d’appuyer sa thèse. Originaires du Haut-Nil, les ancêtres des Sereer auraient joué un rôle dans la civilisation égyptienne. Se référant au dictionnaire de Pierret, l’auteur relève que, dans l’égyptien pharaonique, << Sereer est le nom de celui qui trace le temple ».
Dans la problématique soulevée par Cheikh Anta Diop il y a deux aspects à distinguer : la parenté culturelle entre Égyptiens et Sereer et le problème de la migration des Sereer d’est en Ouest à partir de la vallée du Haut-Nil. Nous ne retiendrons que le premier aspect. Il est évident que les ancêtres éloignés des Sereer et des Mandé sont venus de l’est. Les traditions vont dans ce sens, ainsi que les gestes qu’un homme doit accomplir à certaines heures de sa journée ou de sa vie. Il doit se tourner vers l’est, qui est le côté du soleil levant et peut-être celui du pays des Ancêtres. Les sources du peuplement négro-africain de l’ouest semblent se situer en Afrique orientale et dans la vallée du Haut-Nil.
Un autre chercheur a proposé l’origine sereer au sud de l’Éthiopie, non loin du ganika, en se basant sur l’identité du nom de Dieu chez les Sandawi (Wa Rongo) et chez les Sereer (Roog). Le Père Tastevin formait l’hypothèse d’une coexistence des Sereer et des Sandawi dans la région du Haut-Nil. Cette correspondance terminologique mérite d’être soulignée. La terminologie de L’Être suprême est toujours importante et il est intéressant de relever au passage d’éventuelles filiations culturelles, sans conclure pour autant à une filiation ethnique ou à une coexistence historique.
La parenté culturelle des Sereer et des Egyptiens ne peut être écartée. Elle existe dans le cadre d’un patrimoine culturel commun aux civilisations du Nil, du Sahara, du Niger et du Sénégal. Elle est d’abord repérable au niveau linguistique. Il en découle une parenté de terminologie, conceptions métaphysiques et parfois de culte religieux. Deux exemples suffiront à indiquer le niveau de comparaison.
Dans la pensée sereer, l’un des pôles de la structure sociale est le Maat. Le Maat signifie à la fois le règne d’un souverain, l’administration civile et le pouvoir. Mais le sens profond va au-delà de ces données structurelles. Il signifie aussi << La chose publique », au sens le plus élevé du terme. Il évoque l’ordre public, l’ordre dans la Cité. Il manifeste la pente naturelle de l’homme seereer de vouloir capter l’aura mystique qui rayonne du Maat. C’est une des données fondamentales de l’histoire sereer. Or la culture égyptienne a été marquée par une donnée très proche du Maat sereer, signifiant l’ordre public, l’équilibre des choses visibles et invisibles, le but à atteindre par un bon gouvernement. Ce concept à la fois social et religieux s’exprimait par le terme égyptien de Mât.
Dans la pensée sereer, mourir évoque l’idée d’un voyage pour le pays des Ancêtres, au village des morts. Il s’exprime par le terme de xon. En égyptien, le même terme Hon signifie le pays des morts. Ces observations rejoignent celles de Cheikh Anta. La terminologie commune aux deux civilisations est importante, Les symboles religieux offrent également une abondante matière à comparaison : le rôle du bœuf, les pyramides funéraires, les cosmologies célestes, avec les significations du soleil et de la lune, le souci de la survie et la symbolique. Le soleil et le firmament ne sont pas adorés, mais au-delà de ces symboles, le Maître du monde céleste. Alors que le monde sémite proposait sa dénomination de l’Être suprême.
EL, qui sera reprise par les Juifs, les Arabes (Allah), peut-être les Wolof (Yalla), les Égyptiens proposaient Ra et les Sereer Roog.
De même que la culture hellénistique rayonnera en Afrique et en Asie, à partir du IXe siècle avant notre ère, par des foyers de culture tels qu’Alexandrie ou Antioche, de même, la civilisation égyptienne a pu avoir un rayonnement en Afrique et dans le monde méditerranéen, bien avant les civilisations crétoises et grecques. Ce rayonnement pourrait expliquer la parenté culturelle entre les cultures égyptiennes, sereer, peul et wolof. Mais il peut exister une autre explication. La communauté de culture pourrait provenir d’une source commune, qui aurait été l’inspiratrice des civilisations du Nil, du Niger et du Sénégal. Au-delà des influences culturelles négro-berbères et peul, nous pouvons donc retenir, aux sources de la civilisation sereer, les influences égyptiennes.
Source : Henry Gravrand (Civilisation sereer Coosaan)

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